L’offre publique de dialogue faite par François Bayrou et Marielle de Sarnez à toutes les forces politiques démocrates et progressistes, notamment socialistes et écologistes, qui souhaitent une alternance à la politique actuelle du gouvernement, suscite diverses réactions, positives et chaleureuses pour les uns, embarrassées pour les autres, moqueuses des habituels porte-parole et porte-flingue de la majorité gouvernementale. Elle fait bouger les lignes car elle incite à ouvrir de nouvelles portes, à dévoiler les cartes, à se remettre en question et enfin à parler des sujets de fond devant les Français.
Cette proposition est interprétée par les différents médias comme un « glissement » à gauche, par certains comme un reniement d’une position passée d’une centre plus proche de la droite. Même Mediapart (article de Mathilde Mathieu) n’y a vu qu’une posture tactique politicienne, sans poser le problème de fond, en disant « Pour éviter qu’écologistes et socialistes fassent une OPA sur le Modem, sorti très affaibli des élections européennes, Bayrou leur a lancé une «offre publique de dialogue», dimanche 6 septembre, en clôture de l’université d’été du mouvement, organisée à La Grande-Motte. » Et pourtant la suite de l’article dit clairement qu’il explique que la nouvelle ligne de partage politique est à présent d’un côté à droite avec Nicolas Sarkozy celle de «l’idéologie des inégalités», (…) ceux qui se résignent à voir ce régime, (…) avec ses injustices sociales et démocratiques, durer pendant 10 ans et corroder ce qui fait la France»; de l’autre, «ceux qui veulent une alternance», ensemble qui s’élargit à « la gauche », aux Ecologistes et au MoDem. Rien de plus clair sur le fond.
Or, la vérité est que François Bayrou, Marielle de Sarnez et autres cadres et militants du Mouvement Démocrates, qu’ils soient anciens de l’UDF ou nouveaux du MoDem, n’ont pas changé pour l’essentiel de valeurs, de fondamentaux. Ils ont fait valoir de nouvelles priorités face à l’urgence climatique et face aux injustices croissantes, mais restent bien sur l’idéal démocratique, républicain, alliant la liberté d’expression, de création, d’entreprise, une liberté de marché (sous condition de régulation !) et la solidarité, la protection des faibles, un socle de protection sociale et des services publics garantissant l’égalité des chances et l’octroi d’un service à tous et sur tout le territoire non forcément asservi à la rentabilité, notamment dans la santé et dans l’éducation.
En revanche, la droite a changé. Autrefois, la droite était plus conservatrice en termes de valeurs, de morale, d’autorité, de valeur du mérite et du travail. Elle était surtout républicaine. De Gaulle était fervent gardien de ces valeurs républicaines, d’une éthique morale, de l’égalité des chances pour les Français. Le centre, avec Lecanuet et Giscard, ont porté aussi ces valeurs fondamentales. Avec Chirac, la droite était encore républicaine, mais plus teintée de « copains-coquins », de politique de clan, … Avec l’ère Sarkozy elle a connu une réelle rupture, un alignement au modèle anglo-saxon générateur d’inégalités croissantes, une politique au service des amis du président et des plus fortunés, une atteinte de plus en plus évidente à l’égalité des chances et aux valeurs républicaines, à la démocratie, avec une concentration de tous les pouvoirs, sans respect pour les règles les plus élémentaires de séparation des pouvoirs chères à Montesquieu et indispensables au bon fonctionnement de la démocratie, avec démantèlement progressif ou mise sous tutelle ou sous influence de tous les contre-pouvoirs dont la justice, les médias, et même le Parlement qui n’est plus qu’une chambre d’enregistrement des décisions du gouvernement,… Et la valeur centrale qui domine est l’argent, le culte du profit, la rentabilité au mépris des autres critères, dans une mondialisation où règne la loi du plus fort, où le faible n’est plus protégé, ou le riche devient toujours plus riche et bénéficie de plus en plus d’avantages fiscaux. Et l’emprise de l’Etat, chère à la gauche, est devenue l’apanage de la droite. Et ce qui est en train de s’installer en France, sournoisement et sans dire son nom, c’est un régime autoritaire, autocratique, inégalitaire, qui ne respecte plus les valeurs prônées par l’ancienne droite et le centre qui lui était autrefois allié. Oui, la droite a changé, ce n’est plus la même.
La gauche aussi a changé. Autrefois elle était socialiste ou communiste, idéologies basées sur l’égalité entre les hommes, mais égalité garantie par une économie administrée, où l’Etat est au centre de tout, collectiviste, liberticide. Elle a évolué d’abord vers des valeurs « libertaires » sur le plan des mœurs puis, avec la pérestroïka et la chute du mur de Berlin, le système collectiviste administré a été rejeté. Des pays se proclamant encore communistes comme la Chine ont adopté le capitalisme et n’ont gardé du communisme que la dictature du prolétariat. En France, les gouvernements socialistes ont dérégulé la finance, privatisé, facilité le développement de l’activité de marché des traders (à partir des années 1983), mis en place les stock-options (D.Strauss-Kahn), défiscalisé les investissements en œuvres d’art et les bonus (L.Fabius). Même si les tenants de la gauche se proclament plus sociaux et que le parti socialiste n’a pas changé de nom, pensant que le label « social », dans le mot « socialiste », serait la caution de cette idéologie. Le mot de « social-démocratie » a qualifié les modèles de société nordiques, qui présentent plus de redistribution sociale, moins d’inégalités de revenus. Sans le dire, une partie de la gauche, des socialistes, s’est finalement retrouvée dans les valeurs prônées par le centre. Oui la gauche a changé, ce n’est plus la même.
Alors regardons cette évolution en face et requalifions le repère euclidien droite-gauche, ou mieux encore, au lieu de droite-gauche, appelons les idéologies par leur nom. Encore que … les partis prennent des étiquettes convenables (Le parti néoconservateur de Bush était nommé le parti « républicain »). Revoyons tous ensemble la véritable ligne de clivage, qui doit nous servir de repère pour envisager une alternance. C’est bien celle du choix entre deux modèles de société. Tout en acceptant le pluralisme de mouvements qui représentent une diversité de vues, de préférences de moyen d’action, mais qui peuvent converger sur les valeurs et les priorités.
Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement
… et les mots pour le dire viennent aisément.
(Nicolas Boileau, l’Art poétique, 1674)
[Bayrou & Sarnez] « restent bien sur l’idéal démocratique, républicain, alliant la liberté d’expression, de création, d’entreprise, une liberté de marché (sous condition de régulation !) et la solidarité, la protection des faibles, un socle de protection sociale et des services publics garantissant l’égalité des chances et l’octroi d’un service à tous et sur tout le territoire non forcément asservi à la rentabilité, notamment dans la santé et dans l’éducation. »
Quelle audace ! Quel coup d’éclat ! C’est sûr que ni la gauche ni la droite n’y avaient jamais pensé ! Avec ce genre de propositions ré-vo-lu-tion-naires Bayrou ne peut que se démarquer de ses adversaires, il n’a plus qu’à taper avec son bâton pour que s’ouvre à lui la Mer Rouge des militants gauchistes…
Au cas où ça aurait échappé aux apologètes du mouvement de renouveau spirituel bayrouiste, il est bon de rappeler que dans le gouvernement scélérat de Juppé, ledit Bayrou, qui était à peu de choses près chambellan aux cultes et à l’instruction publique, avait avancé une réforme qui proposait d’enterrer la (très) démocrate et républicaine loi Falloux, ce qui aurait permis aux collectivités locales de financer les écoles confessionnelles !
Allons, restons sérieux ! le centrisme n’est que le cache sexe des pisse-froids et autres mous-du-gland de la démocratie chrétienne ! Les centristes sont farouchement pro-européens et parlent après de « régulation » et de « services publics », y’a un épisode qui a du leur échapper, tout aveuglés qu’ils sont par l’idée de reconstituer un imperium chrétien, sur la terre comme au ciel. (Pour ceux qui auraient du mal à suivre, Union Européenne = libre circulation des personnes, des marchandises et des capitaux = ultra-libéralisme)
Non contents de faire le tapin pour la droite libérale-conservatrice depuis cinquante ans, voilà que les centristes se font les champions des leçons de morale et du redressement de la France (se souvient-on de la dernière fois que les cathos étaient au pouvoir dans ce pays ? « Rassurez-vous, c’est français, c’est la police française… »)
Bayrou croît qu’on peut diriger la France comme un bon père de famille, mais la France ce n’est pas Babette, elle n’est pas crémière et ne vit pas dans le Béarn !
Complètement d’accord avec cette vision de la scène politique actuelle, et en particulier avec l’analyse du comportement du PS depuis les années 80, depuis toutes ces années où j’ai voté pour lui en me bouchant le nez, jusqu’à ce jour de 2007 où je me suis décidé à voter FB!
Je rêve de l’instauration d’une social-démocratie verte à l’échelle européenne, mais les décisions à prendre exigeront bcp de courage politique, bcp de conviction et de pédagogie pour entraîner l’assentiment populaire et surtout bcp de force pour lutter contre les lobbies et les puissances de l’argent. C’est en particulier ce dernier point qui sera ma pierre de touche pour mesurer la valeur du Modem.
J’ai volontairement laissé ce commentaire édifiant de Nicolar. Lorsqu’on voit quelle attitude, quelle haine et quel langage ont les détracteurs de Bayrou, on est content d’être du côté de Bayrou !
Si on vous frappe sur une joue, tendez l’autre joue, c’est bien ce que je disais…
Cela dit je salue cette prise de position résolument démocratique et républicaine, qui veuille que tout le monde puisse s’exprimer, même les détracteurs fielleux du chambellan Bayrou.
@Nicolar
Quand vous dites « le centrisme n’est que le cache sexe des pisse-froids et autres mous-du-gland de la démocratie chrétienne ! »
Vos métaphores me laissent perplexes …
Etes-vous urologue de profession ?
Je trouve un peu ridicule votre tirade anti monde anglo-saxon. Que vous critiquiez le bushisme ou la ligne hyper conservatrice de Madame Palin, pas de problème. Mais arrêtez donc votre caricature anglophobique, c’est franchement ridicule.
Et les USA ont permis une importante alternance avec Obama ; que les français arrêtent leur conformisme et leur arrogance et fassent une telle alternance, alors ils pourront donner des leçons aux autres.
@Rouleaux Dugage
Je ne comprends pas en quoi vos deux commentaires sur les USA ont à voir avec cet article, qui ne parle pas de cela. Je ne fais aucunement de caricature anglophobique et je me réjouis de l’espoir insufflé aux Etats-Unis par l’arrivée de Obama au pouvoir. J’avais fait un voeu au 1er janvier 2008, c’était celui de la victoire d’Obama. Quand, dans d’autres articles, je parle du « modèle américain » ou du « modèle anglo-saxon », je fais le constat de ses caractéristiques notamment depuis les années 1980, depuis l’ère Reagan et Thatcher et en particulier celle des néoconservateurs avec Bush, ce qui n’est pas une caricature, et la critique n’est pas à l’encontre des américains eux-mêmes, mais du système qui a été développé et entretenu. Vous trouvez peut-être cela ridicule, mais respectez que l’on puisse développer des analyses que vous ne partagez pas.